Histoire

Nous sommes au printemps de l’année 1877. Il fait bon se promener sur le boulevard de Saumur (pas encore nommé boulevard Foch), où l'on croise "les belles coquettes en fraîches toilettes et les fringants officiers, cambrés dans leurs vêtements militaires chamarrés" (Mathilde Alanic).
Un soleil encore timide éclaire le jardin du Mail, où le kiosque flambant neuf, inauguré le 19 mai en présence de Charles Gounod, fait résonner les cuivres de l’Harmonie Angevine.
Jules Bordier et Louis de Romain viennent de fonder l'Association Artistique des Concerts Populaires, un orchestre de 50 musiciens qui va se produire dans le nouveau Théâtre, achevé six ans plus tôt après l’incendie de celui de la place du Ralliement en 1865.
Dès le départ, de grands compositeurs comme Saint-Saëns, Massenet, Guiraud et Joncières apportent leur patronage à ce projet musical et viennent diriger l’orchestre pour exécuter leurs propres œuvres. Gounod accepte même la présidence d’honneur.
Le premier concert a lieu le 21 octobre 1877, au Cirque Théâtre, sur le quai National (aujourd’hui place Molière). Ce bâtiment en bois, à l’acoustique remarquable, avait été conçu pour remplacer le Théâtre pendant sa reconstruction (c'était en quelque sorte le "Chanzy" de l’époque). C'est là que l'on interprète pour la première fois en entier la Symphonie Pastorale.
Le public est immédiatement enthousiaste : trois cents abonnés, avec des places gratuites réservées aux Écoles Normales, aux établissements d’enseignement privé, et aux syndicats affiliés à la Bourse du Travail.
Entre sa création et la guerre de 1914, des centaines de concerts se succèdent (le 500e eut lieu en 1902), avec des opéras, des œuvres classiques et contemporaines, et des opérettes. On y joue Wagner, Debussy, Liszt, Fauré, souvent en présence des compositeurs eux-mêmes. Max d’Olonne organise même un festival Saint-Saëns avec le concours du compositeur.
Après la guerre, les activités de la Société des Concerts Populaires reprennent en 1919, toujours au Cirque Théâtre, après la reconstitution de l’orchestre. Les exécutions de "Pétrouchka" de Stravinsky et de "La Croisade des enfants" de Pierné attirent un large public.
En 1927, la Société célèbre son cinquantenaire après avoir donné plus de 750 concerts. Elle devient alors la plus ancienne société symphonique de province. Pour marquer l'événement, le concert commémoratif présente la "Neuvième Symphonie", le "Magnificat" de Bach, et des œuvres de compositeurs angevins.
La réputation de la Société dépasse bientôt les frontières de l’Anjou. Son œuvre d’éducation musicale populaire est reconnue, et Jean Gay, son représentant, reçoit à Paris un Grand Diplôme d’Honneur des mains de l’académicien Louis Barthou, qui déclare : "Il n’est personne qui ne sache l’œuvre admirable qu’elle a accomplie et qu’elle accomplit encore à la gloire de la musique française."
Malgré des difficultés économiques, les saisons de concerts continuent. De jeunes virtuoses sollicitent l’honneur de participer : pianistes comme Yves Nat, Robert Casadesus, Blanche Selva, Yves Ciampi ; violonistes tels que Zino Francescatti et Gaston Poulet ; et violoncellistes comme Maurice Maréchal et Pierre Fournier. Parmi les fidèles amis de la Société, Alfred Cortot, Jacques Thibaud et Georges Enesco reviennent régulièrement jouer devant le public angevin. La notoriété de la Société devient nationale, certains concerts étant retransmis à la radio.
Pendant la période 1939-1945, les activités musicales ralentissent, mais elles reprennent après la guerre. Sous l'impulsion des Jeunesses Musicales de France, des concerts éducatifs pour les jeunes publics, commentés par Bernard Gavoty, Jacques Feschotte ou Norbert Dufourcq, rencontrent un grand succès. De grandes œuvres et des créations continuent d’enrichir les programmes de l’orchestre.
Au fil des années, la Société fait face à des problèmes financiers, et la gestion de l’orchestre devient complexe. Lors d'une réunion en 1960, il est proposé de former un ensemble qui apporterait la musique à un public plus large, dans des cadres inhabituels à Angers et dans le département. Cette initiative se concrétise avec une assistance plus nombreuse aux concerts du dimanche.
Un projet de création d’un orchestre régional voit le jour et met plusieurs années à se réaliser. L'orchestre de la Société devient finalement la base de l’Orchestre Philharmonique des Pays de la Loire, qui assure désormais la saison symphonique et celle d’Angers-Nantes-Opéra sur le territoire régional.
Aujourd'hui, la Société des Concerts Populaires se concentre sur une saison de musique de chambre au Grand Théâtre d’Angers : les Mardis Musicaux.
La Société poursuit ainsi son travail dans l’esprit de ses fondateurs, proposant des concerts de musique de chambre ou vocale, mêlant œuvres classiques et contemporaines. De grands musiciens comme Nikolaï Lugansky, Isabelle Faust, Nicholas Angelich, Jean-Guilhem Queyras, les King’s Singers, ainsi que des quatuors renommés comme les Quatuors Ebène et Modigliani s'y produisent. De jeunes talents tels qu'Edgar Moreau, Adam Laloum, Marie-Ange Nguci, Vikingur Olafsson, ou Alexandra Dovgan y font également leurs débuts.
En 2016, la SCP a lancé deux nouvelles initiatives :
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Musique dans les Vignes à Savennières : une académie de musique de chambre ouverte à tous pendant une semaine en juin, dans des sites patrimoniaux remarquables des bords de Loire, en collaboration avec les vigneronnes et vignerons locaux.
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MINIUM21 : un ensemble de musiciens angevins dédié aux compositeurs contemporains, souvent en leur présence.
Depuis la fin de la guerre, la présidence de la SCP a été assurée par :
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Charles Vielle (1945-1966)
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Jean Bauer (1966-2005)
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Michel Poisson (2005-2014)
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Lionel Descamps (2014-2019)
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Nicolas Dufetel (2019-2020)
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Denis Hunault (2021-2023)
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Michel Cousin, président actuel.